Comme sur des roulettes

« La » course de l’année pour moi, toutes mes courses de début de saison TALC, 24h de St Fons, GRO et MH100 ont été réalisées pour être sûr de passer cette épreuve mythique. Avec mes collègues de ARDA (Adaranaz, Cyrion et moi) nous souhaitons depuis 5 ans courir un jour la PTL. Pour cela il nous faut un finisher de l’UTMB (ou du TDG, un peu trop poilu pour le moment). Ada était censée venir avec moi sur cette édition, mais a préféré s’amuser en Belledonne après avoir gagné un concours organisé par Ultra Mag. C’est donc à moi de m’y coller. J’ai fini la TDS, il y a deux ans, les grandes messes chamoniardes ne me font pas trop peur. J’arrive au départ après une préparation rigoureuse de 6 semaines depuis la MH100, au total 800km pour 17000mD+. Autant dire que j’ai bien donné à l’entrainement. Conséquence j’arrive avec une douleur (récurrente) au talon d’Achille gauche et une raideur sur le releveur droit. J’ai appris à faire avec les douleurs, il faut juste que je reste dans une zone de confort.

Arrivée à Cham’ dans la matinée, je passe chercher mon dossard. Je croise un certain vigneron qui se fait interviewer. Pas de queue, l’avantage d’arriver 6h avant le départ. Je retourne ensuite manger ma salade de riz à la voiture avant de faire une sieste de 2h. Je m’apprêtes et commence l’attente. 2h à patienter devant l’arche du départ, je bois ma boisson d’attente. Au passage je me fais contrôler le matériel (ça c’est fait). Je croise des tête connues, notamment William (famille de la 180) que je retrouverais dans un mois sur l’UB43. On papotte, il me prend même en photo:

UTMB_2014_Taldius_02Attente décontractée (crédit William Guillot)

J’ai hâtes de ça commence, le vent souffle de la droite et ramène avec lui un gros tas de nuages noirs. 15min avant le départ, il commence à pleuvoir. On nous annonce du brouillard en altitude, mais qu’il fait beau du coté italien. Ok, y’a plus qu’à se taper 80km pour trouver le beau temps, facile 😉

Chamonix – Saint Gervais (20.9km / 955mD+) position 1042 en 02:57

Enfin le depart… et cette ambiance tout simplement magique, du monde sur des km et on tapes dans les mains, un grand moment. Cela donne presque envie de s’arrêter là pour faire supporter à son tour. Sortie de la ville, nous avons un peu plus d’espace pour courir. J’étais prévenu, mais me situant vers la 1000ième position je suis à 10-11km/h jusqu’aux Houches, jamais fais un départ d’ultra aussi rapide. J’avais préparé cette allure spécifique, mais je me demande comment certains vont finir à me dépasser à plus de 14 après un pipi de la peur. Arrivée aux Houches toujours cette ambiance magique, des enfants qui sourient et des mains qui se tendent , tous ça sous une pluie battante. On attaque la montée du Déleveret. Je me cale sur l’allure prévue. passage au sommet en 1h59 pour 2h prévue sans avoir forcé. Je vois autour de moi des coureurs quasiment nu qui commencent à trembler de froid. No comment…

UTMB_2014_Taldius_03Passage au sommet (crédit flah-sport.com)

La descente herbeuse a été rendue bien glissante par la pluie. Je tombes deux ou trois fois pour faire de la luge, rien de grave. La météo nous gâche le paysage c’est dommage. J’arrive à St Gervais en 2h57 pour 3h prévu, je suis dans les temps.

Saint Gervais – Les Contamines (10.3km / 626mD+)  position 929  en 04:38 (étape 1h39)

Passage rapide au ravito et je m’engage que la partie en montagne russe entre St Gervais et Les Contanimes. Il pleut toujours autant, le sol est un gros tas de boue. Je ne suis pas le seul à patiner. Je continue de courir malgré tout, c’est ma stratégie : tenir jusqu’à La Balme. Le public est encore là, dans chaque hameau à chaque virage. Cela me donne l’impression que la course n’est pas encore lancée. 1h39 pour rejoindre les Contas, je ne suis pas très loin des 1h30 prévues, mais j’ai dû m’employer cette fois.

Les Contamines – Les Chapieux (18.8km / 1330mD+) position 793 en 08:40 (étape 4h02)

Encore un passage rapide au ravito. J’ai 1h30 d’avance sur la barrière horaire, plus la peine de s’en inquiéter. La montée vers la Balme emprunte de même chemin que la MH100 mais à l’envers. autant il est frustrant à descendre que je l’apprécie en montée. Arrivée à la Balme, je prends mon temps au ravito, je me réchauffe auprès du feu, je sors mes bâtons. On arrive dans mon domaine. A partir de maintenant nous et la montagne. La pluie s’est arrêtée, il va falloir sécher, la montée c’est bon pour ça. Je pars à mon rythme et je double, double et redouble. Bon pour le moral tout ça. Physiquement tout va bien. Passé la croix du bonhomme la descente est l’une des plus agréable que je n’ai jamais vue. Je ne me fais même pas dépasser. Arrivé en vue des Chapieux mon releveur droit me dit de ralentir l’allure (oui,mon corps me parles), je lui obéis, ce n’est pas le moment d’hypothéquer mes chances de finir. Au contrôle matériel, je files car je me suis déjà fais contrôler.

Les Chapieux – Lac Combal (25km / 958mD+) position 693 en 11:39 (étape 2h59)

Au ravito, je prends mos temps. Je réponds au quizz de l’étude sur le sommeil. J’y arrive mieux que la veille au moment de la remise des dossards. Le chemin repars par un long faux plat en bitume. Là, je me fais dépasser par de nombreux coureurs. Je préserve mon énergie, il y a quasiment 1000mD+ pour passer le col de Seigne, c’est long (1h30 de montée d’après mes calculs). Après la partie route on passe sur sentier et la pente double voire triple, je prends un malin plaisir à dépasser ceux qui m’avaient déposé au pied de l’ascension. Je constate que le dicton « soupe au pied, vomi au sommet » est toujours d’actualité. Je soigne la susceptibilité de mon releveur dans la descente. Heureusement rien de technique, je roule pépère jusqu’aux lacs.

Lac Combal – Courmayeur/Dolonne (22.7km / 468mD+) position 663 en 14:20 (étape 2h41)

Je recharge en eau, j’en profite pour boire une boisson chaude, le jour va bientôt se lever, c’est la période la plus froide de la nuit. Le chemin pour repartir est plat. tristement plat. Cette fois-ci je n’ai pas le courage d’envoyer. Je passe en mode marche nordique. Au passage de l’arrête Favre, le soleil se lève nous donnant une vue magnifique. du massif du mont blanc éclairé par les premiers rayons du jour naissant. Tout se passe bien, Courmayeur est a porté.

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Au ravito du Chercuit, je tombe sur la même bénévole désagréable qu’il y a deux ans pour la TDS qui refuse de mettre du coca dans ma gourde. Certaine choses ne changent pas. La descente vers Courmayeur est abrupte. Elle va me chauffer les cuisses. Je vais m’arrêter deux fois pour préserver mes quadris. Spectre de l’Echappée Belle éloignes-toi de moi. Finalement nous arrivons en ville. Toujours du public et des bravo, forza 🙂

Courmayeur/Dolonne –  Refuge Bertone (4.7km / 816mD+) position 581 en 16:16 (étape 1h56)

Long arrêt d’une demi-heure à Courmayeur. Je sais déjà que je ne ferais pas 36h comme je le désirais. Je vais dorénavant gérer le passage jusqu’à Champex et éviter de prendre un coup de chaleur sans m’exploser le releveur dans la descente vers la Fouly. Au sortir du ravito, je croises Badgone qu en profite pour me GoProtiser. J’attaque la montée avec un vieux de la vieille, multi-finisher. Nous parlons parcours et météo, passage en mode ultra normal…

J’aime cette montée vers Bertone, c’est du raide, un peu répétitif, mais je grignottes des places.

Refuge Bertone – Arnuva (12.7km / 385mD+) position 597 en 18:55 (étape 2h39)

Au ravito, je pense alimentation et hydratation. M’attends un pseudo-plat. Ca va être long sans courir. mais les paysage est magnifique.

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Arrivée à Bonatti, je prends le temps de m’assoir (15min de pause), il fait chaud, tout va bien, je dois continuer à gérer.

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Lors de la section vers Arnuva je croise beaucoup de randonneurs qui nous encourage. J’ai un petit coup de barre, mais rien de grave, lassitude, surtout l’envie de faire la sieste sous le soleil avec le ciel comme limite.

Arnuva – La Fouly (14.5km / 952mD+) position 564 en 22:11 (étape 3h16)

Pause de 15min à Arnuva, je refais les niveaux. Il n’y a plus qu’à monter. Je retrouve des sensations. Je dépasses des coureurs en surchauffe, je fais de mon mieux pour ne pas me mettre dans le rouge sans perdre trop de temps. Après le passage au sommet, la terrible descente roulante que je dois passer en me retenant au risque de me coincer une cheville. Je me fait donc dépasser de tout coté. Mais bon je garde le sourire.

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L’arrivée à La Fouly me renvois aux souvenirs positif du Verbier St Bernard. 30 min de pause, j’en profite pour battre mon record au quizz sur le sommeil.

La Fouly – Champex/Lac (14.1km / 567mD+) position 560 en 25:18 (étape 3h07)

Je savais que ce secteur allait être difficile à gérer, je me force à avancer le plus vite possible, je sais qu’après je reviendrais sur un terrain qui me convient mieux. Je me cale dans un petit groupe et fait des pauses dès que j’en ressens le besoin. je perds des places dans la partie descendante, mais en reprends dans la montée en forêt. Arrivé à Champex, grosse ambiance. Je tire de l’expérience du GRO qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Je pars donc m’allonger pendant 30min. Je commence à trembler de toutes part. Je sors les habits chaud (et sec) qui étaient encore dans mon sac et les enfiles. Je n’est pas dormi, je me sens vaseux, mais j’ai évité de prendre froid (c’est déjà ça).

Champex/Lac – Trient (16.3km / 914mD+)  position 578 en 30:05 (étape 4h47)

Je pars ensuite faire les niveaux, on attaque les passage montée/descente avec quasiment 1 kv à chaque fois. Sérieusement, je ne sais pas ce que cela va donner. Une chose est certaine, je vais terminer. La première montée est sympa dans son début. La pente est raide et le sol est sec. Je suis en forme, je suis à plus de 600mD+/h en montée, je sers de locomotive à pas mal de coureurs. Tout va pour le mieux… Le sommet est humide. Cela fait fioque fioque à chaque pas. Vers minuit une vision délirante au passage de la Forclaz… la descente sera plus compliquée. Je m’applique, mais je perds du temps, encore deux montées et autant de descentes avant l’arrivée. Le final avant le ravito est bien raide. est fait chauffer les cuisses (au moins cela réchauffe).

Trient – Vallorcine (10.5km / 859mD+) position 549 en 33:24 (étape 3h19)

Passage au ravito. je m’assois, bois un café et repars avant de me refroidir. Là, je m’éclates à la montée. plate sur le sommet, mais pas humide, je vais éviter de finir avec les pieds blancs (c’est un bon point). Lors de la descente (elle aussi sèche), je suis coincé derrière un américain et une américaine qui papotent. Je reste derrière à écouter leur conversation pendant une demi-heure. Puis notre amie d’outre atlantique fait un joli soleil, je la rattrape avant qu’elle ne se mouillent les fesses dans le ru. J’en profite pour les dépasser et file vers le ravito.

Vallorcine – Chamonix (18.5km / 966mD+) position 519 – 38:41 (étape 5h17)

Je suis transi de froid en arrivant au ravito, je prends des boisons chaudes pour me réchauffer. Le speaker annonce l’arrivée de notre vigneron national, venu faire le ravitaillement pour son père. Je dois être le seul avec un bénévole à applaudir. Une atmosphère de fatigue règne ici.

Je me dépêche de partir, le froid de la nuit m’attends. Je suis prêt à en découdre avec la pente. Malheureusement le re-départ se fait en faux-plat montant où je n’ai pas le courage de courir, je me réserve pour la montée je me dit intérieurement. Bon an, mal an, j’arrive au pied de la dernière véritable ascension. Je dois avouer que je l’avais sous-estimé, cette montée est la seule qui m’a demandé de m’employer sur cette course. J’avais entendu d’autre coureurs parler de marches d’escaliers (au LUR on adore ça). J’attaque donc fort et dépasse certain concurrent, mais je me rends vite compte que le sommet est encore très loin et que je suis moins fringuant que la veille. Je me cale donc dans un groupe. Grand bien m’en fait car après le passage en escalier nous traversons un chaos de pierre avec une orientation rendue particulièrement difficile par le brouillard qui s’est levé. En suivant la trace de boue de nos prédécesseurs nous progressons en mettant les mains pour compenser le peu de souplesse qu’il nous reste. En plus du brouillard nous sommes en plein vent (le nom est bien mérité). Un passage rapide à la tête  histoire de se faire bipper (bravo au bénévoles qui était là dans le vent et l’humidité) et il ne reste plus qu’à redescendre sur Chamonix.

Peu avant d’arrivé à la Flégère j’admire le levé de soleil sur les alpes. je n’ai plus grand chose dans les chaussettes (effet démotivant de l’aube certainement. Je rejoins le ravito bois un thé à la volée et m’engage immédiatement dans la descente. Je regarde ma montre, il me reste reste 2h si je veux faire mieux que le temps de Tidgi l’an dernier. Malheureusement sur le début de la descente, je n’arrive pas à courir. Moins de 8km, mais je me traîne à 3km/h. Cela ne va pas le faire. Alors je me force dès que j’arrive en sous-bois. Miracle, j’arrive à enchaîner des pas. Grosso modo cela dit ressembler à de la course. A partir de maintenant je ne peux plus m’arrêter mon releveur ne me le pardonnerai pas, alors je trottines. Je dépasse et me fait dépasser, j’ai assuré l’essentiel, il me reste le bonus du record du LUR. Arrivée à Chamonix je me sens pousser des ailes et part carrément au sprint.

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Je finis à 11 à l’heure, je ne fais qu’accélérer, l’ambiance est tout aussi géniale d’au départ (même s’il y a moins de monde car on est tôt le matin). Un virage à gauche et la dernière bosse vers l’arrivée, j’écarte les bras, mission accomplie.

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Passé l’arrivée, William est en embuscade et me snipe.

UTMB_2014_Taldius_10Juste après la ligne (crédit William Guillot)

 

Je passe chercher mes cadeaux finisher et ma deuxième veste sans manche, toujours pas de crédit pour se payer des manches sur l’UTMB.

UTMB_2014_Taldius_11Photo finish (crédit William Guillot)

 

Je passe ensuite du coté de la tente à bières et je m’hydrates consciencieusement en discutant avec Will. Nous parlons de la course et de la future. Il est super motivé pour l’UB43 (que je suis sensé organiser), il me propose que sa moitié nous fasse le ravitaillement à mi-parcours, je lui dit que c’est une super proposition. Ensuite, nous nous séparons, je pars récupérer mon sac d’allègement, je vais faire la sieste dans ma voiture et rentre tranquillement chez moi en m’arrêtant pour dormir de temps en temps.

 

taldius6666laBilan :

168.7km / 9800mD+

Temps de course 38h41 (LUR NR)

Classement 519/2300 à départ – 215/846 dans ma catégorie.

La PTL dans 2 ans.

Et maintenant l’UB43 me tends les bras…